En cours, j’ai entendu maintes fois cette question : »Quelle aiguille dois-je prendre ? » ou »Pourquoi dois-je changer d’aiguille, elle va bien la mienne, d’ailleurs je n’ai que ce modèle ? ».
Entrez dans une mercerie et prenez le temps de regarder le présentoir à aiguilles. Vous en trouverez des petites et des grosses, certes mais pas que cela. Certaines sont pointues, d’autres à bout rond. Certaines sont longues, d’autres sont courtes. Certaines ont le chas rond, d’autres ont le chas long. Autant de différences pour autant d’usages.
Et si on faisait d’abord un petit tour d’histoire. Voici un article que j’ai trouvé sur un site anglais (https://www.ngv.vic.gov.au/the-sewing-needle-a-history-through-16-19th-centuries/) et que je vous livre en français.
L’aiguille a joué un rôle prépondérant dans l’histoire et dans l’évolution de l’homme.
Une des premières histoires faisant allusion à l’aiguille remonte à la Bible quand Adam et Eve ont cousu des feuilles de figuier pour s’en habiller modestement. Le Coran fait référence à l’aiguille comme étant l’un des cinq outils emportés au Paradis par Adam.
Des fouilles archéologiques prouvent que l’aiguille à chas date d’il y a environ 25 000 ans.
L’aiguille est aussi un vecteur social qui en dit long sur le rang social et l’identité de son propriétaire, sur la technologie d’un peuple et sur le transfert de technologie.
Du point de vue marketing, la première publicité imprimée concernant l’aiguille date de 1200 en Chine.
L’évolution de l’aiguille à coudre, entre 1600 et 1900, a fait l’objet de remarquables développements techniques. Le XVIème siècle a été le berceau de nouvelles technologies et a vu de nouveaux commerces se développer en Europe suite aux bouleversements politiques liés à l’invasion arabe en Espagne.
Les espagnols étaient passés maîtres dans la fabrication des aiguilles car ils avaient hérité des secrets de fabrication des artisans arabes puis leurs connaissances se sont transmises aux Germains.
Avant que le savoir espagnol n’arrive en Angleterre, les aiguilles anglaises étaient fabriquées par les forgerons, elles étaient grossières et rugueuses. Au début du XVIème siècle, les anglais ont commencé à importer du fil de fer d’Espagne et d’Allemagne qui est devenu la matière première qui a permis le développement de la fabrication des aiguilles en Angleterre.
A partir de 1567, l’importation du fil de fer ne fut plus nécessaire car l’Angleterre avait elle-même acquis cette technologie. La petite ville de REDDITCH allait devenir célèbre dans le monde entier pour la qualité de fabrication manuelle de ses aiguilles à coudre car ses meules à eau permettaient d’apporter une finition exceptionnelle. La première aiguille conservée fabriquée à Redditch remonte à 1639.
Sous le règne de Charles II, du fait de la mode vestimentaire demandant toujours plus d’ornements et de broderies, la demande d’aiguilles était en forte croissance.
Entre 1600 et 1800, Redditch a produit un million d’aiguilles par an, tant et si bien que la ville était connue et reconnue dans le monde entier au point qu’une ville près de Tokyo fut nommée exprès Redditch afin de pouvoir apposer en toute légalité la mention ‘’Made in Redditch’’ sur ses paquets d’aiguilles. On dit que le chas de l’aiguille de Redditch était si petit qu’un fil moderne ne passerait pas au travers hormis peut-être les fils de suture les plus fins.
Les avancées technologiques ont amené la révolution industrielle et la fabrication de ces petites aiguilles est devenue un métier toxique et dangereux du fait de l’introduction de machines outils à partir de 1828.
En 1824, environ 5 millions d’aiguilles étaient fabriquées à la main par semaine dans la région de Redditch. A partir de 1847, après avoir mis en place les machines outils, le débit hebdomadaire était de 50 millions. Un pointeur était capable de percer jusqu’à 100 aiguilles à la fois sur une meule et il avait un rendement de 10 000 aiguilles / heure.
La pneumoconiose, connue sous le nom de ‘’la pourriture du pointeur’’, était le résultat de l’inhalation de fines particules de métal et de poussières de meule qui allaient se loger dans les bronches. Les autres risques fatals étaient les coupures très graves liées au tranchant de la meule et la cécité liée aux échardes de métal qui pouvaient se loger dans l’œil du pointeur. En outre, pour empêcher la rouille, les aiguilles étaient roulées dans de la poudre d’amiante dont on connaît aujourd’hui tous les dangers pour les poumons. L’espérance de vie d’un pointeur était de 35 ans, soit cinq à six ans de travail dans l’industrie de l’aiguille avant que n’apparaisse la maladie.
L’aiguille au cours de ces 400 ans a évolué dans son apparence. Vers 1600, elle était exotique, il s’agissait d’un objet rare et précieux, elle était conservée et admirée comme un trésor. Elle reflétait le succès d’une industrie artisanale. Une aiguille d’or ou d’argent était un cadeau d’une très grande valeur que l’on rangeait dans une poche elle-même rangée dans une ceinture à la taille de la maîtresse de maison.
Avec l’arrivée de la révolution industrielle, l’aiguille est devenue un objet de première nécessité pour la ménagère, un objet commun à portée de bourse et de main qui en ont fait un objet négligé en regard du travail demandé pour le produire.
Cependant, ce petit outil de génie a permis aux hommes de créer les vêtements nécessaires à la survie. Il s’est diversifié et a progressé à travers les siècles, a été un objet d’échange et une arme formidable de commerce établissant un lien entre les continents et les cultures.
Voilà l’article est fini.
Pour le compléter, pourquoi pas visiter la seule fabrique d’aiguilles à coudre en France : la manufacture BOHIN située en Normandie à Saint Sulpice sur Risle (61300) qui est référencée patrimoine culturel. Personnellement, je n’ai pas eu la chance d’y aller mais je le garde dans un coin de la tête.
Dans le prochain article, on rentre dans le vif du sujet : A quoi ressemblent et servent les petites, les longues, les pointues et les qui piquent comme dirait Pierre PERRET.